28 septembre 2008

ANAKRONIC ELECTRO ORKESTRA : les enfants toulousains de Zorn, Krakauer et Socalled



«La musique fleurit là où on ne l'attend pas. Qui aurait pu prédire que l'expérience la plus novatrice et originale française d'electro klezmer viendrait du Sud Ouest, le pays du cassoulet, du rugby, de Zebda, et maintenant d'Anakronik Electro Orkestra ?». Pas de doute, sur la scène new klezmer française, Anakronic Electro Orkestra est l’un des groupes les plus originaux et inventifs apparus récemment. Un ovni déchaîné, né de l' effervescent vivier musical toulousain.
A l’origine du quatuor, une révélation de Mikaël Charry, figure emblématique de l'électro dans la ville rose. Passionné par la mouvance juive radicale de John Zorn (un des jazzmen les plus influents de l'avant-garde new-yorkaise, fondateur du label Tzadik), le Toulousain est repéré en 2004 lors d’un workshop de David Krakauer par Josh Dolgin, alias Socalled, le génial agitateur, inventeur du « hip hop yiddish ». Claude Szwimer co-fondateur du label JUMU, présent lors de cette rencontre, emballé lui-aussi, signe un contrat avec le Toulousain. La philosophie de JUMU : "Le passé au présent branche le klezmer sur l'électro, arrange des mariages entre les rappeurs en papillote et la clarinette yid, et métisse le judéo-arabe au hip hop". Mikaël Charry a tout intégré et se retrouve sur la compilation « Nu Juwish Music. Volume 1 – Le son des nouvelles musiques juives » du jeune label de Bruno Nahon et Claude Szwimer, aux côtés de Oi Va Voi, Sophie Solomon, Frank London, David Krakauer, Socalled, Balkan Beat Box.
Au cours des deux années suivantes Mikaël Charry se consacre à des expérimentations et recherches sur le répertoire klezmer. Une trentaine de morceaux voient le jour : des traditionnels klezmer remaniés en abstract hip hop, en dub, en drum n’bass et aussi des musiques originales créées à partir du socle klezmer. Mikaël travaille occasionnellement avec David Krakauer, Socalled et Lisa Gutkin, violoniste des Klezmatics.
En janvier 2007, nouvelle étape avec la création d'Anakronic Electro Orkestra, aboutissement de la rencontre avec d’autres amis musiciens : Ludovic Tadeusz Kierasinski, bassiste, explorateur de musiques, formé à l’école classique, ex guitariste et chanteur de groupes rock et métal avant de découvrir la musique traditionnelle (également bassiste du groupe Gadalzen) ; le clarinettiste Pierre Bertaud du Chazaux - il fait aussi partie des groupes L'air de rien et El comunero - qui, après quelques années consacrées essentiellement à la musique électronique, est revenu à ses premières amours en découvrant David Krakauer à la radio ; l’accordéoniste Corinne Dubarry issue de la scène des Hautes Pyrénées où elle conjuguait instrument et voix.
Les Toulousains enchaînent alors les premières parties de groupes aussi emblématiques que Oi Va Voi, Amsterdam Klezmer Band, Ezekiel. Turbulents enfants de John Zorn, David Krakauer et Socalled, ils ne cessent depuis, de communiquer leur énergie à des publics enthousiasmés par leurs inventions. Mickaël Charry a été lauréat 2008 de l'Association européenne pour la culture juive (http://www.jewishcultureineurope.org/jc-paris/grant08.htm)

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 Anakronic Electro Orkestra – « Noise in Sepher » : La chronique
04-04-13

S’il y a bien un groupe qui a tout compris à la fusion des genres musicaux, c’est bien Anakronic Electro Orkestra. Evidemment associé à la musique klezmer, le groupe mêle sur « Noise in Sepher » la fameuse musique traditionnelle des juifs ashkénazes, mais aussi drum n’bass, electro, dub, rock… Un mélange détonnant et enlevé à la saveur unique.
La musique klezmer est très axée autour de la clarinette, des violons, de l’accordéon… Anakronic Electro Orkestra part sur ces bases traditionnelles pour mieux s’en éloigner en détournant et triturant ses mélodies au travers d’effets, boucles et samples… « Lady my driasis » entremêle ainsi accordéon et clarinettes avec des scratchs, et « Schrödinger » dans son intro survitaminée, joue sur un duo accordéon/synthétiseur. Les voix ne sont pas en reste avec des samples de chant traditionnel yiddish à la relecture contemporaine comme sur le très bon « Noise in Sepher » et sa voix haché-menue dans un sampleur, ou encore « Uruk » dans une deuxième partie à la mélodie vocale envoutante.
Mais grande force du groupe, c’est surtout sa solide base rythmique à l’énergie palpable. La batterie est énorme et soutient des lignes de basse au son rock et puissant. Un duo impeccable souvent complété par des boucles électroniques. Du drum n’bass qui vire même parfois à la techno ultra-speed comme sur « Invidia ». Mais le groupe joue régulièrement la rupture en incorporant par exemple un pont exclusivement composé de clarinettes samplées. Un décalage permanent surprenant au premier abord, mais toujours fait avec la manière comme sur « Kr for things to see » : les violons torturés de l’introduction laissent place aux gros synthés analogiques toujours portés par une rythmique impeccable, pour ensuite virer en trance synthétique et hypnotique. Un espèce de « On the Run » de Pink Floyd en version tzigane bluffante. Autre source d’influence évidente, le hip-hop comme le démontre le flow efficace de Taron Benson sur le très bon single « Noise in Sepher part II ».
Rappelons le, la musique klezmer est une musique de fête, et donc très dansante. La plupart des titres sont sur des tempos rapides et s’articulent autour de boucles mélodiques ou de questions/réponses entre les instruments (« Schrödinger »). Une énergie impressionnante se dégage plus particulièrement de « (E)met », titre en shuffle aux breaks énergiques joués sur les toms, mais certains morceaux sont plus sombres. « Cabbalisitc Snare » verse dans le trip-hop, comme si Massive Attack avait mangé Emir Kusturica.
Anakronic Electro Orkestra vogue même jusqu’aux frontières du reggae/dub sur « African Trip » et la classe des franco-argentin de Gotan Project n’et pas loin. Côté francophone, difficile de trouver des équivalents… On pourrait évoquer Asian Dub Foundation, les marseillais de Chinese Man voire même les québécois de Misteur Valaire dans la manière impeccable de mêler instruments acoustiques et sonorités électroniques, mais AEO apporte sa touche immédiatement identifiable dans une trance-klezmer percutante.
Ce « Noise in Sepher », c’est un brassage culturel et musical incroyable. Drum n’bass puissante, musique traditionnelle, dub, jazz ou electro… Tout y passe sans que ce soit indigeste ou téléphoné. Très technique tout en restant abordable, sombre et très dansant à la fois. Un melting-pot vraiment réussi.


Site du groupe  http://www.anakronic.com/


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